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Nettoyer au "karcher" une toiture en amiante-ciment : une très mauvaise idée … et une infraction !

En bref

- Malgré l’interdiction de l’utilisation de l’amiante, il reste en Belgique beaucoup de toitures (et de pignons) couvertes d’ardoises ou d’ondulés en amiante-ciment. Avec le temps, de la mousse s’installe sur ces toitures. Il arrive souvent que des propriétaires les fassent alors nettoyer avec des appareils projetant de l’eau sous haute pression, tels les karchers.
- Cette pratique est dangereuse : elle répand dans l’atmosphère et dans le voisinage des fibres d’amiante susceptibles de contaminer non seulement les habitants de la maison et les travailleurs qui exécutent le travail, mais aussi les voisins.
- Cette pratique est interdite partout en Belgique (et dans de nombreux autres pays)
- Si vous êtes témoin d’une telle activité et que vous ne parvenez pas à l’arrêter par la persuasion, il faut prévenir immédiatement la police et les services de l’environnement de votre commune.
- Pour enlever les mousses, il existe des méthodes plus douces qui ne dégagent pas de poussières, avec ou sans intervention d’un tiers.
- Sauf si l’étanchéité de votre toiture est en cause, il vaut peut-être mieux accepter qu’elle n’ait pas un aspect parfait ! Ce n’est pas si dramatique…

Le 8 mars 2017, le JT 13h de la RTBF a diffusé une séquence relative aux dangers du nettoyage au karcher d’un toit recouvert d’ardoises en amiante-ciment (http://www.rtbf.be/info/societe/detail_toits-en-eternit-un-risque-tres-important-de-contamination-a-l-amiante?id=9548697 ). L’utilisation de jets d’eau sous haute pression reste malheureusement fréquente en Belgique pour enlever les mousses qui ont tendance à s’accrocher sur ce type de toit comme sur  les ondulés en amiante-ciment (marques principales : Eternit, Alfit, Coverit, Modernite, Balmatt, SVK) .  Qu’en est-il ? Quels sont les dangers ? Qu’est ce qui est permis ou pas ? Faisons le point.

1- Cette pratique est interdite partout en Belgique.                                      

 

Des réglementations fédérales et régionales, relatives au travail et aussi à l’environnement, interdisent l’utilisation « d'outils mécaniques à grande vitesse, de nettoyeurs à jet d’eau sous haute pression, de compresseurs d’air, de disques abrasifs et de meuleuses pour usiner, découper ou nettoyer des objets ou supports en matériaux contenant de l’amiante ou revêtus de tels matériaux ou pour le retrait d’amiante » (article 15 de l’Arrêté royal du 16 mars 2006 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à l’amiante, paru au Moniteur Belge du 23/3/2006 : http://www.emploi.belgique.be/defaultTab.aspx?id=3400#VI,5) , ou encore « Il est interdit de décaper les toitures en amiante-ciment au moyen d'un nettoyeur à haute pression, de manière à éviter l'émission de fibres d'amiante à l'intérieur et à l'extérieur du bâtiment » suivant l’article 2 de l’Arrêté du 10 avril 2008 du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale relatif aux conditions applicables aux chantiers de décontamination de bâtiments ou d'ouvrages d'art contenant de l'amiante et aux chantiers d'encapsulation de l'amiante (Moniteur belge du 18 juin 2008). http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body.pl?language=fr&c(...)

2- Cette pratique est interdite, parce que dangereuse.                                       
Malgré l’interdiction de l’utilisation de l’amiante, il reste en Belgique beaucoup de toitures ou de pignons couverts d’ardoises composées d’un mélange d’amiante et de ciment, ou de plaques d’ondulés de la même composition. Il faut bien sûr identifier les ardoises de votre toiture ou les ondulés comme étant composées d’amiante ciment. Ce n’est pas trop difficile à faire, soit en consultant un tiers qui s’y connaît, un professionnel de la toiture, soit en l’identifiant soi-même par l’aspect, l’âge de ces matériaux ou encore la marque. Lorsque ces matériaux sont anciens, ce sont vraisemblablement des matériaux composés d’amiante-ciment. Les plaques ou les ardoises sont en général grises, de la couleur du ciment, et contiennent une dizaine de pourcent de fibres d’amiante. Les ardoises peuvent être peintes en surface (parfois aussi dans la masse).  Sur la cassure fraîche, on peut observer des pinceaux de fibres blanches (voir photo).  Ce sont les faisceaux de fibres d’amiante.  En cas de doute, on peut prendre un morceau d’ardoise (de la taille d’un morceau de sucre), l’emballer et le porter ou l’envoyer dans un laboratoire agréé pour l’identification d’amiante dans les matériaux (voir la liste sur le site Internet du SPF ETCS).  Les nouvelles ardoises sans amiante portent généralement la mention NT (au dos de celles-ci). 

Si les anciens matériaux ne sont pas dégradés, brisés, etc… en principe il n’y a pas de danger immédiat ou important pour la santé car les concentrations en fibres d’amiante dans l’air sont généralement extrêmement faibles lorsque ces matériaux ne sont pas « perturbés ». Simplement il faut prévoir de les remplacer un jour et donc de les enlever. Cet enlèvement peut se faire de façon simple et sans danger moyennant des précautions appropriées. Hélas on voit encore trop souvent aujourd’hui des particuliers ou des travailleurs qui, depuis le toit, balancent sans ménagement des ardoises dans des containers situés quelques mètres plus bas où elles se brisent et dégagent de la poussière. Une poussière qui contiendra alors, elle, des fibres d’amiante potentiellement dangereuses pour la santé si elles sont inhalées. 
Même sans dégradations dangereuses, il arrive que ces toitures soient colonisées par la mousse verte et/ou par les lichens (taches rondes et plates très adhérentes).  Certains particuliers sont alors tentés par un « grand nettoyage ». Ils y sont même encouragés Ils y sont même encouragés par des entrepreneurs qui promettent de remettre à neuf votre toiture après un nettoyage rapide, en profondeur et à bas prix (souvent d’ailleurs des sociétés étrangères qui démarchent, opèrent rapidement, et puis disparaissent une fois le nettoyage accompli).  Certains utiliseront même pour vous convaincre des arguments sans fondement.  Inconscients ou volontairement négligents, des particuliers et des entreprises sont encore nombreux à utiliser le jet à haute pression pour enlever les mousses et lichens et redonner au toit son lustre disparu. Cela va plus vite !! On a même tendance à faire ça très vite, parfois un samedi suffit …

Indépendamment du risque amiante L’opération peut également s’avérer très délicate en terme de sécurité.  Grimper sur une toiture, d’autant plus qu’elle est rendue humide, n’est pas sans risques ! De plus, marcher sur des ardoises qui ont une épaisseur de 5 à 6 mm et qui ont plusieurs dizaines d’années derrière elle, ne se fait pas sans entraîner des dégâts.

Mais la haute pression attaque la peinture puis le ciment et libère des fibres d’amiante dans l’atmosphère, alors que jusque-là elles étaient fixées dans le matériau. En suspension dans l’air, ces fibres risquent d’être inhalées puis retombent sur les appuis de fenêtres, les trottoirs et les jardins environnants qu’elles contaminent. Une partie des fibres peut aussi être emportée dans les fines gouttelettes (aérosols) produites par le jet d’eau et ensuite se déposer sur des surfaces plus ou moins éloignées du toit.  Une autre partie des fibres d’amiante est entraînée dans l’eau qui s’écooule des gouttières et va parfois dans des citernes de récupération d’eau de pluie qui pourra être ensuite utilisée par exemple pour arroser le jardin ou le potager (risque de contamination et d’exposition secondaire).  De l’eau chargée en fibres d’amiante peut également s’infiltrer dans la maison.   Suivant la pression de l’eau, les conditions atmosphériques, l’état initial des matériaux amiantés (peints ou non) et d’autres facteurs, les quantités de fibres d’amiante libérées et la distance à laquelle la contamination peut être trouvée varie d’une situation à l’autre.  Non seulement les travailleurs et les particuliers qui effectuent ces travaux peuvent être contaminés, mais aussi les voisins et les riverains.

Dommages à soi-même, dommages aux travailleurs, atteinte à l’environnement et dommages à des tiers peuvent ainsi être les conséquences multiples d’une action irresponsable et illégale.


3- Pas de panique, s’informer et si nécessaire faire arrêter le chantier                          

Certes, avec l’amiante comme avec toute substance cancérogène, il n’existe pas de seuil d’exposition sans risque, néanmoins le risque est proportionnel à la dose. Le cumul des expositions, importantes ou non, augmente donc le risque de contracter une maladie de l’amiante.  L’amiante une fois inhalé s’incruste dans les poumons et peut y exercer son action néfaste la vie durant. Il est donc essentiel que les expositions à l’amiante soient tout particulièrement évitées pour les jeunes enfants. 

Si votre voisin se livre à des pratiques interdites, directement ou via une firme, il faut s’enquérir sans tarder de ce qu’il fait et s’il s’est bien assuré au préalable que les ardoises ne contenaient pas d’amiante. Il vaut mieux d’abord essayer à l’amiable de le persuader d’arrêter le démoussage. S’il refuse, alors il faut prévenir la police et le service d’environnement de votre commune. Pour que les personnes habilitées puissent faire arrêter les travaux et faire un constat d’infraction (indispensable pour la suite). 

Si la police ou la Commune ne répondent pas à votre appel, vous pouvez, selon la localisation du bâtiment concerné, prendre contact avec LNE et/ou l’OVAM pour la Région Flamande, le Département de la Police et des Contrôles du Service Public de Wallonie pour la Région Wallonne et l’IBGE-Bruxelles Environnement pour la Région de Bruxelles-Capitale.  Les inspecteurs de ces administrations régionales peuvent également réaliser les constats et donner les ordres que la situation impose.  Au cas où les travaux de démoussage sont réalisés par des travailleurs sous contrat avec une entreprise ou que les travaux sont effectués sur la toiture d’une entreprise employant des travailleurs, l’inspecteur peut également être fait appel aux inspecteurs du Service Public Fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale.  Les infractions sont passibles de peines d’emprisonnement et/ou d’amendes.  Les frais de décontamination par une société spécialisée sont généralement très élevés.  Tant l’entreprise que la ou les personnes qui ont donné ordre d’effectuer le démoussage peuvent être tenus pour responsables de la situation et de remédier à celle-ci à leurs frais.

En conclusion, quelques recommandations.
Nous vous recommandons vivement de laisser votre couverture de toiture en amiante-ciment en l’état jusqu’à son remplacement.  Pour la dépose des ardoises ou des plaques ondulées en amiante-ciment, sachez que les travailleurs doivent disposer d’une formation, valable aussi pour les traitements simples sur certains matériaux amiantés.  Suivant la Région, une autorisation délivrée par le service Environnement de l’Administration Communale ou l’Administration régionale compétente en matière d’environnement peut également s’avérer nécessaire en fonction de la surface des matériaux amiantés à enlever.  Renseignez-vous auprès de votre Administration Communale. 
Si vous désirez toutefois absolument améliorer l’aspect de votre toiture, voici quelques mesures de précaution élémentaires : tenir les enfants à l’écart par précaution, porter les équipements de protection individuelles adaptés qui sont généralement disponibles dans les magasins de bricolage (combinaison jetable avec capuche, lunettes de protection, masque de protection respiratoire avec un indice de protection FFP3 et gants jetables), travailler par temps humide (juste après une averse) en sécurité (éviter de monter sur la toiture vu le risque de chute), faire tomber les mousses à l’aide d’une brosse douce fixée sur un manche télescopique, et enfin récolter celles-ci dans un sac que l’on fermera ensuite hermétiquement.  Après les travaux, se laver les mains et le visage à l’eau savonneuse.   Les déchets de mousse qui peuvent être contaminés par de l’amiante sont à évacuer dans un centre autorisé pour la collecte des déchets d’amiante.  Il existe dans le commerce des produits qui détruisent les mousses et les lichens.  Si vous désirez les utiliser, consulter au préalable les fiches de données de sécurité (fiche FDS) et respecter les précautions d’usage.

Quelques pinceaux blancs de fibres visibles sur la tranche d’une ardoise (observation suite à une cassure fraiche) : il s’agit très vraisemblablement d’une ardoise en amiante-ciment.